Le Canada doit exercer des mesures de représailles contre les États-Unis au sujet des droits de douane sur l'aluminium

Contre toute logique, les États-Unis sont sur le point de déclencher une nouvelle guerre commerciale avec le Canada en imposant une nouvelle série de droits de douane sur l'aluminium canadien.

Malheureusement, c'est le point culminant du refus obstiné de l'administration américaine actuelle de comprendre l'importance de l'aluminium canadien pour les États-Unis et sa volonté de sacrifier des emplois dans les deux pays au nom d'intérêts particuliers.

Depuis des décennies maintenant, les Canadiens et les Américains bénéficient d'une chaîne d'approvisionnement en aluminium hautement intégrée. La fluidité du commerce de l'aluminium a permis de verser des milliards dans les caisses de nos pays respectifs.

Au cours des 30 dernières années, ce commerce florissant est devenu encore plus important pour l'industrie manufacturière américaine, car la capacité de fusion de l'aluminium aux États-Unis a progressivement diminué et les exportations canadiennes ont comblé le vide.

Aujourd'hui, les exportations canadiennes d'aluminium primaire sont un intrant majeur dans la production américaine. Le commerce bilatéral de l'aluminium représente environ 14,5 milliards de dollars par an et soutient des dizaines de milliers d'emplois dans les deux pays.

Malheureusement, ces emplois sont aujourd'hui menacés par un petit groupe de personnes au sein de l'industrie américaine.

Fin mai, l’Association américaine de l’aluminium primaire (APAA)  a écrit à l’ambassadeur américain au commerce Robert Lighthizer, demandant au gouvernement fédéral américain de réimposer les droits de douane pour motifs de sécurité nationale, invoquant « l’article 232 », sur l'aluminium primaire canadien. L'APAA a fait valoir qu'une « hausse » des importations canadiennes mettait en danger l'avenir de l'industrie américaine.

Cependant, l'APAA sait que les fonderies d'aluminium ne peuvent pas arrêter leur production à tout moment. L'industrie automobile nord-américaine ayant fermé ses portes, les fabricants canadiens se sont tournés vers des exportations d'aluminium primaire moins coûteuses pour le moment.

En fait, avec l'amélioration des conditions économiques, les exportations canadiennes d'aluminium P1020 vers les États-Unis ont chuté de 40 % en juin et juillet. La hausse des exportations canadiennes n'a été qu'un coup d'éclat sur le radar.

Pourquoi alors l'aluminium canadien est-il toujours visé? La réponse est d'une simplicité trompeuse: les profits.

Fondée en 2018, l'APAA représente deux petits producteurs : Century Aluminum et Magnitude 7.  Derrière eux se trouve Glencore, un mastodonte mondial du commerce des matières premières, dont le siège est en Suisse et qui détient 47 % des parts de Century Aluminum. Magnitude 7 est une entreprise privée, détenue par un ancien dirigeant de Glencore.

Glencore est un conglomérat minier multinational dont les activités se déroulent à Sudbury, en Ontario, où il extrait du minerai de nickel-cuivre depuis 1929. Bien que Glencore ne fabrique pas d'aluminium lui-même, il est un acteur majeur dans le commerce et l'arbitrage de l'aluminium au niveau mondial et a récemment conclu un accord avec le producteur d'aluminium russe Rusal pour acheter jusqu’à 16,3 milliards de dollars en aluminium.

Le jeu d'arbitrage de l'aluminium est simple : acheter au plus bas, vendre au plus cher. En achetant de l'aluminium bon marché à l'étranger et en le vendant à des prix gonflés, la branche commerciale de Glencore et ses filiales risquent de faire un malheur si les prix régionaux en Amérique du Nord augmentent.

La réimposition des droits de douane constitue une stratégie évidente pour atteindre cet objectif. En privant les entreprises américaines d'un approvisionnement fiable en aluminium en provenance du Canada, les prix de l'aluminium augmenteront inévitablement.

Les traders et les producteurs américains qui ont des stocks de cette substance profiteront des retombées, tout comme les fournisseurs étrangers d'aluminium bon marché en Russie et en Chine qui ont bénéficié d’exemptions tarifaires de plusieurs milliards de dollars.

Malheureusement, l'administration américaine a décidé de reprendre cette voie malavisée, une voie encouragée à tort pour engraisser les chèques de paie des traders suisses de matières premières.

Cela signifie que le Canada n'a pas d'autre choix que de riposter. L'accord de mai 2019 entre les États-Unis et le Canada qui a mis fin au précédent cycle de droits de douane stipule que les hausses d'importation doivent être déterminées par un mécanisme convenu d’un commun accord.

Pour parler franchement, le plein délire de l'APAA ne constitue pas un mécanisme convenu d'un commun accord. Cela signifie plutôt que la saison représailles transfrontalières est ouverte.

Et nous devons exercer des représailles.